Quand dormir fait souffrir la mâchoire

Sommeil et sphère maxillo-faciale – partie 1

Cet article est destiné aux professionnels de santé.

En cette journée internationale des travailleurs, parlons de… repos ! Et plus particulièrement de sommeil. Un sujet fondamental quand on s’intéresse à la sphère maxillo-faciale.

En effet, deux problématiques maxillo-faciales majeures sont en rapport avec le sommeil : les dysfonctions temporo-mandibulaires et les troubles respiratoires obstructifs du sommeil.

Nous verrons que l’une et l’autre interagissent bien plus qu’on ne le pense.

Le sujet étant vaste, je vous propose de le traiter en trois parties:

  • l’influence de la position de sommeil sur les dysfonctions temporo-mandibulaires,
  • le bruxisme du sommeil,
  • les troubles respiratoires obstructifs du sommeil.

Position de sommeil et dysfonctions temporo-mandibulaires

Pas toujours simple de croquer dans une pomme quand on a mal à la mâchoire

Rappelons pour commencer que les dysfonctions temporo-mandibulaires (DTM) sont très fréquentes : les douleurs de mâchoire représentent la deuxième cause de douleur chronique après les lombalgies !
Fort heureusement une dysfonction de l’articulation temporo-mandibulaire peut être bénigne et ne conduira pas systématiquement à un phénomène douloureux chronicisé. Et c’est probablement en évitant l’errance diagnostique et thérapeutique que nous préservons nos patients de cette évolution redoutable. Il est donc particulièrement regrettable que l’offre de soin soit si peu adaptée à la fréquence du problème ! (1,2)

Les problématiques de mâchoire sont généralement d’origine multifactorielle. Comprendre la survenue d’une DTM chez nos patients revient à mener une enquête à la recherche de conditions qui peuvent expliquer la prédisposition, le déclenchement et l’entretien de la pathologie. Ces facteurs peuvent être de nature:

  • structurelle : par exemple un décalage squelettique important qui impose une plus grande course articulaire pour obtenir le bout à bout incisif,
  • fonctionnelles : dysfonctions, parafonctions, comportements, habitudes orales…

Sans négliger les facteurs externes, qu’ils soient iatrogènes ou en lien avec les trop fréquentes agressions physiques, psychologiques et sexuelles rapportées en consultation.

Si vous le souhaitez je vous parlerai plus en détail de tous ces facteurs de DTM.

Parmi ces facteurs, on peut en citer au moins 2 en lien direct avec le sommeil : la position de sommeil et le bruxisme.

Position de sommeil

C’est un de mes moments préférés durant une première consultation pour DTM. Vous devez en connaitre aussi, j’en suis sûr, de ces jubilations quand votre patient vient vous voir avec un problème… et la solution !

  • vous dormez dans quelle position ?
  • j’ai tendance à dormir sur le ventre 
  • et votre bouche est-elle ouverte ou fermée ?
  • humm, (en parlant moins fort) il m’arrive d’avoir un peu de salive au coin des lèvres…
  • (BINGO !!!)

Bien entendu la position de sommeil n’explique pas seule la DTM, mais elle représente un facteur majeur de souffrance des ATM.

Et quand il est possible d’agir sur ce facteur, nous pouvons le transformer en un grand levier d’amélioration.

Le schéma ci-dessous détaille le temps de sommeil en fonction de l’âge (jusqu’à 25 ans mais nous avons rarement plus dans notre tête n’est-ce pas ?):

Globalement un adulte dort un tiers de son temps. Donc si sa position de sommeil exerce une contrainte, même minime, sur le complexe condylo-discal des ATM, cette contrainte est maintenue durant un temps long, et va avoir des conséquences. Une force faible exercée longtemps, c’est quelque chose qui parle aux orthodontistes 😉

Dormir sur le ventre, ou tout le temps sur le même côté, ou avec un appui spécifiquement mandibulaire, ou bien encore avec un oreiller mal adapté, va participer à la souffrance des mâchoires. Même la position dorsale peut être problématique si la bouche est ouverte. D’ailleurs, quelle que soit la position de sommeil, les contraintes exercées sur les ATM sont majorées par l’ouverture buccale. Je vais finir par passer pour un monomaniaque mais la ventilation est aussi au cœur de nos positions de sommeil.

D’ailleurs pour certains auteurs la position de sommeil ventrale est une conséquence de la ventilation buccale.  En dormant ainsi la sécheresse buccale est moindre par écoulement antérieur de salive. La gravité antériorise la langue et dégage le pharynx. Dans le même esprit le choix de la position latérale d’un côté plutôt que de l’autre est parfois la conséquence d’un encombrement nasal unilatéral (par déviation septale par exemple). (3)

Focus clinique: que faire de ces informations ?

Face à une personne se plaignant de la mâchoire (et/ou des lombaires, des cervicales…), nous avons beaucoup à gagner en l’interrogeant sur sa vie nocturne.

En pratique il est difficile de connaître précisément ses habitudes de sommeil, nous ne connaissons avec certitude que les positions d’endormissement et de réveil. Certains indices peuvent cependant nous aiguiller:

  • bouche sèche au réveil, salive au coin des lèvres ou sur l’oreiller peuvent évoquer une ventilation buccale nocturne,
  • obstruction nasale partielle ou unilatérale peuvent expliquer une préférence pour un décubitus latéral avec côté préférentiel,
  • une position ventrale sera suspectée si des tensions ou des douleurs sont plus marquées au réveil au niveau de la face, du cou et/ou des lombaires,
  • les tensions musculaires asymétriques, notamment au niveau des sterno-cléiodo-occipito-mastoïdiens (SCOM) nous orientent également dans cette analyse.

Quand cela est possible, l’entourage peut également nous informer sur la position de sommeil et les habitudes ventilatoires nocturnes.

Conclusion de la première partie

La position de sommeil est un facteur clé dans l’apparition ou l’entretien des dysfonctions temporo-mandibulaires. Or, la ventilation peut influencer notre « choix » de posture.

Changer ses habitudes de sommeil n’est pas simple, mais c’est souvent un levier puissant pour une amélioration durable !

Dans la deuxième partie de cet article, nous aborderons les avancées récentes sur un autre facteur de dysfonction temporo-mandibulaire: le bruxisme du sommeil.

Bibliographie

1.           Yao L, Sadeghirad B, Li M, Li J, Wang Q, Crandon HN, et al. Management of chronic pain secondary to temporomandibular disorders: a systematic review and network meta-analysis of randomised trials. BMJ. 15 déc 2023;e076226.

2.           Salaffi F, Farah S, Bianchi B, Lommano MG, Di Carlo M. Delay in fibromyalgia diagnosis and its impact on the severity and outcome: a large cohort study. Clin Exp Rheumatol [Internet]. 4 juill 2024 [cité 27 avr 2025]; Disponible sur: https://www.clinexprheumatol.org/abstract.asp?a=21054

3.           Cheynet F. ATM, manducation et ventilation. 52e Congrès Société Fr Stomatol Chir Maxillo-Faciale Chir Orale. 1 sept 2016;117(4):199‑206.

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