Je suis kiné du nez

Et là vous vous dites :

chat wtf !!!

- ça y est, on l'a perdu ! -

Je crois qu’il faut que je m’explique.

L’évaluation de la perméabilité nasale chez l’enfant

Cet article est destiné aux professionnel·les de santé.

Assez régulièrement, mon premier rendez-vous avec un enfant commence par une remarque du parent l’accompagnant 1:

"Je ne savais même pas que ça existait, kiné de la langue !"

A cette remarque j’ai longtemps répondu « ne vous inquiétez pas, personne ou presque ne le sait, et c’est bien dommage. La rééducation linguale est bien plus vieille que moi, elle existe depuis les années 50… ».2

Mais depuis quelque temps, je leur explique que je ne suis pas un kiné de la langue mais plutôt un kiné du nez. Et vous savez pourquoi si vous avez lu les articles précédents. J’ai notamment présenté ici toutes les conséquences d’une ventilation buccale. Spoiler alert : il faut respirer par le nez !

Et si le sujet qui vous intéresse est la posture de langue, j’explique dans un autre article intitulé « La langue au repos – erratum« , que les fonctions linguales typiques d’un sujet denté nécessitent de fermer la bouche. Et bien entendu, pour fermer la bouche… il faut que le nez soit perméable !

Donc quand je reçois une jeune personne pour ce que certains appelleraient une « rééducation linguale », ma préoccupation principale n’est finalement pas la langue.

Vous m’accompagnez, on accueille ensemble ce petit patient ?

Imaginons que je reçoive un garçon de 8 ans. Il vient me voir avec sa maman.

Bien entendu, alors que je discute avec elle, j’observe discrètement son fils. Je l’ai d’ailleurs fait dès la salle d’attente quand je suis allé les chercher. Quelle est sa posture globale ? Est il cerné ? Sa bouche est-elle ouverte ? Ses lèvres sont-elles sèches ? Se touche t-il souvent le nez (le « salut allergique ») ? Renifle t-il ? A t-il déjà fait 15 fois le tour de la pièce pendant les 3 minutes nécessaires à la création du dossier ?

J’interroge sa mère sur ses antécédents ORL, pneumologiques et allergiques, son sommeil, son comportement, sur le projet orthodontique.

C’est durant cet interrogatoire que j’enquête sur la ventilation nocturne. L’enfant a t-il la bouche ouverte en dormant ? Est il en extension cervicale ? Il transpire beaucoup ? Il ronfle ? Y a t-il des épisodes d’énurésie ?

Je demande ensuite à l’enfant s’il a l’habitude de laver son nez. A voir son regard surpris, j’en déduis que non. C’est généralement à ce moment que la maman m’explique qu’il n’a jamais su se moucher correctement.

Puis j’examine ce jeune garçon. Je m’approche de son visage. Et alors que je ne lui ai rien demandé, il ouvre la bouche pour me la montrer ! Je lui explique qu’on verra sa bouche plus tard. Pour l’instant le sujet, c’est son nez.

Là, il est un peu perdu. On n’était pas là pour ma langue ?

Je lui demande alors d’imaginer un gâteau au chocolat qui sort du four (si il aime le chocolat, sinon ça marche bien aussi avec une pizza). J’approche ce gâteau imaginaire de son nez et lui demande de le sentir « à pleines narines ». Miam !

Ce test du gâteau est une mine d’information : arrive t-il à inspirer par le nez ? Ses narines se dilatent-elles ? Ou s’affaissent-elles au contraire ? A t-il inspiré en gonflant le thorax ou l’abdomen ?

S’il arrive à inspirer par le nez à cette étape, je passe au test de Lemonnier.

Ce test fait partie des moyens d’évaluation de la perméabilité nasale. Passons les en revue.

Les tests cliniques de ventilation nasale.

Le test de Gudin

Ce test consiste à vérifier le réflexe de dilatation narinaire : après avoir pincé les narines de l’enfant pendant quelques secondes, on relâche et on attend.

Une dilatation réflexe des narines (par contraction de la partie alaire du muscle transverse du nez) doit être observée.

Si rien ne se passe ou que les narines restent collabées, alors on peut suspecter un manque d’entrainement des muscles narinaires. L’enfant est probablement un ventilateur buccal.3

Le test de reniflement

On peut demander une inspiration nasale brève et intense, et observer la capacité à maintenir les narines ouvertes durant ce reniflement.

Idéalement, une inspiration forcée s’accompagne d’une contraction de tous les muscles dilatateurs extra-thoraciques (au niveau du larynx, du pharynx et du nez).4

Si ce n’est pas le cas alors on observe un collapsus sous l’effet de la dépression créée par le diaphragme.

Même si l’enfant est ventilateur nasal au repos, ce test révèle une probable ventilation buccale au moindre effort.

Le test du miroir de Glatzel

On place un miroir (froid dans l’idéal) sous les narines de l’enfant et on observe la buée provoquée par l’expiration nasale.

Est-elle symétrique ?

Il est tout à fait possible d’observer une symétrie à ce test expiratoire et de voir un collapsus narinaire à l’inspiration forcée.

Ce test est depuis longtemps critiqué pour son manque de reproductibilité et sa faible corrélation avec le ressenti du patient.5

Le test de Rosenthal

On demande à l’enfant lors de ce test de respirer tranquillement par le nez, bouche fermée.

Il doit être capable de tenir ainsi sans gêne durant 15 cycles.

Si ce n’est pas le cas (il ouvre la bouche ou montre des signes de difficulté), le test est dit positif.

A noter que ce test « historique » n’a pas fait l’objet d’étude récente sur son intérêt.

Le test de Lemonnier

Mon préféré en pratique.

C’est Michel Lemonnier qui me l’a enseigné il y a quelques années. Avec la simplicité qui le caractérise, Michel m’a dit : « Moi pour tester le nez, je bouche une narine de l’enfant, j’observe et j’écoute sa ventilation, au repos et à l’inspiration forcée. »

Et il faut bien reconnaître que ce test trivial est d’une redoutable efficacité ! On voit le comportement de la narine et on entend le flux aérien, ainsi que les éventuelles mobilisations de mucosités (je viens de la kiné respiratoire, je vous l’avais dit ?)

Les métriques simples d’accès

Peak Nasal Inspiratory Flow (PNIF)

Relativement simple à mettre en œuvre, ce test consiste à faire inspirer le patient par le nez dans un débit-mètre inspiratoire de pointe. Il existe des valeurs de référence, mais l’intérêt est essentiellement dans le suivi de l’évolution.6

Snif Nasal Inspiratory Pressure (SNIP)

Le test ressemble au précédent sauf qu’on ne s’intéresse plus au débit mais à la pression inspiratoire. Cette mesure est réalisée avec un manomètre auquel est relié un embout nasal. Son véritable objectif est de mesurer la force des muscles inspiratoires, notamment dans les contextes de maladie neuro-musculaire.

C’est donc hors sujet ici mais intéressant tout de même si vous aimez faire de subtils jeux de mot.

Les autres métriques de la perméabilité nasale

Les ORL utilisent des mesures telles que la rhinomanométrie antérieure, postérieure ou acoustique. Cette dernière est une échographie des 5 premiers centimètres des fosses nasales.

Les scores

Je n’en connais qu’un, le bien nommé NOSE pour Nasal Obstruction Symptom Evaluation. Il est destiné aux adultes, je vous invite à le tester ici (je vous offre avec un grand plaisir ce calculateur en ligne fait maison).7

Si vous en connaissez d’autres qui seraient adaptés aux enfants, vous voulez bien m’en faire part en commentaire svp ?

Les examens complémentaires

Ici nous retrouvons les différentes imageries, mais également la naso-fibroscopie. Cet examen fait partie des incontournables de l’examen ORL chez l’enfant suspecté de trouble respiratoire obstructif du sommeil, selon les dernières recommandations françaises.8

Ajoutons dans ce paragraphe les recherches d’allergies : pollens, poils et acariens.

Quels tests en pratique ?

Soyons honnêtes, dans la vraie vie je n’utilise pas tous ces tests. D’ailleurs ils ne font pas tous partie de mes compétences.

Donc en pratique courante, mon examen de la ventilation nasale repose sur :

  • l’observation,
  • l’interrogatoire de l’enfant et du parent qui l’accompagne,
  • la prise de connaissance d’éventuels examens réalisés par les pédiatre, ORL, allergologue, médecin du sommeil…
  • le test du gâteau au chocolat,
  • le test de Lemonnier,
  • le test de reniflement.

Habitude ou obstacle ?

Après cet examen de l’enfant, il est possible de distinguer 3 cas de figure (cliquez sur le + pour développer) :

Dans ce cas je vais ré-adresser l’enfant et différer la prise en charge. Il serait en effet contre productif de se lancer dans une rééducation linguale dont l’échec est assuré !

Cette situation ne se présente en fait jamais quand le prescripteur est l’orthodontiste. Celles et ceux avec qui je travaille ont bien intégré que sans ventilation nasale les fonctions ne peuvent pas s’installer.

Si vous ne l’avez pas déjà fait, je vous invite à télécharger ma check-list des obstacles à la mise en place des fonctions maxillo-faciales.

Si aucun obstacle ne s’oppose à la ventilation nasale mais qu’elle n’est pas en place, alors la première étape est la rééducation ventilatoire ! Et il faudra commencer par enseigner le lavage de nez.

Si la ventilation nasale est possible et habituelle, alors rééduquons gaiement la langue !

Mais c’est une autre histoire.

A bientôt !

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  1. Je dirais que plus de 9 fois sur 10, le parent accompagnant l’enfant est la maman. C’est aussi comme ça dans votre cabinet ? ↩︎
  2. D’ailleurs certain⸱es consœurs et confrères fraichement diplômé⸱es n’en ont pas beaucoup plus entendu parler durant leur formation initiale… Une des explications au manque de correspondants ? ↩︎
  3. Paskay, Licia Coceani. 2006. « Instrumentation and Measurement Procedures in Orofacial Myology » International Journal of Orofacial Myology and Myofunctional Therapy 32, no. 1: 37-57. https://doi.org/10.52010/ijom.2006.32.1.4 ↩︎
  4. Vous connaissez la dyspnée laryngée induite à l’effort ? ↩︎
  5. Brescovici S, Roithmann R. Modified glatzel mirror test reproducibility in the evaluation of nasal patency. Braz J Otorhinolaryngol Engl Ed. 2008;74(2):215‑22. ↩︎
  6. Das M., Sabui T., Ahuja N. « Reference Value of Nasal Peak Inspiratory Flow Rate in Indian Children: A Cross-sectional Study ». J Clin Diagn Res. 2021;15(1):RC01-RC04. ↩︎
  7. Marro M, Mondina M, Stoll D, de Gabory L. French validation of the NOSE and RhinoQOL questionnaires in the management of nasal obstruction. Otolaryngol Head Neck Surg. 2011;144(6):988-993. doi:10.1177/0194599811400686 ↩︎
  8. Aubertin G, Akkari M, Andrieux A, Colas des Francs C, Fauroux B, Franco P, et al. Parcours de soins de l’enfant et de l’adolescent de moins de 16 ans ayant un trouble respiratoire obstructif du sommeil de type 1 – un consensus français. Médecine Sommeil. 1 déc 2023;20(4):203‑12. ↩︎

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